Dans les entrailles du lagon!
Une plongée de 18 000 ans !!!
Aux abords de la barrière de corail ceinturant l’île de Mayotte un sombre et large trou béant a été découvert par hasard sur le plancher du lagon par le plongeurs Tom Marneffe, à presque 50 m de profondeur. Cette mystérieuse ouverture n’est autre que l’entrée d’une grotte jusque-là inconnue.
Motivés par la curiosité, une poignée de plongeurs tech (recycleur) ont effectué plusieurs plongées aux abords de ce mystérieux gouffre. La profondeur de l’entrée étant déjà importante, les limites de la plongée loisir à l’air sont très vite atteintes interdisant ainsi toute pénétration engagée loin de l’ouverture de cette grotte. Franchir ces limites exposerait quiconque à de grave danger ! Pour progresser à l’intérieur de ce boyau en sécurité, il a été nécessaire et impératif d’utiliser un gaz spécialement conçu et adapté à ces profondeurs et aux plongées « spéléo ».
Un voyage dans le passé de plus 18 000 ans !
Bien plus qu’un voyage au cœur des profondeurs inconnues du récif, pénétrer au fond de cette grotte revient à remonter dans le passé de plusieurs milliers d’années. En fait, il y a un peu plus de 20 000 ans, (période du maximum de la dernière grande glaciation ayant affecté la planète) le niveau des océans était de 120 mètres plus bas que le niveau actuel. A cette époque, le récif corallien préexistant, plus ancien, s’est donc trouvé totalement émergé pendant plusieurs millénaires. Comme toute roche de nature calcaire, ce récif émergé a été livré à l’action combinée des éléments atmosphériques, essentiellement vents et pluies, ayant donné naissance à des formes d’érosion typiques telles que formation de fissures, gouffres, cavités, galeries, grottes, dont certaines ornées de stalagmites et stalactites. Ce sont de telles structures que l’on peut d’ailleurs voir dans beaucoup de régions dont la nature géologique est fondamentalement calcaire, comme dans certaines parties du Massif Central ou dans le Jura.
Suite à la fonte des glaces qui débuta il y a environ 20 000 ans (début de la dernière déglaciation), le niveau de la mer commença à remonter et, à une période située il y a environ 14 000 à 15 000 ans, la grotte se trouva ennoyée. Et ainsi, une fois submergée par la remontée du niveau des océans, celle-ci se vit figée au travers du temps pendant des millénaires.
Gumbo la Baharini, une première mission d’étude scientifique en 2023 !
Cette grotte, découverte remarquable qui fait de Mayotte un endroit unique et un haut lieu du monde récifal est d’ores et déjà l’objet d’études biologiques et géochimiques, et des recherches plus détaillées relevant de plusieurs disciplines, vont s’y étaler sur plusieurs années. En effet, outre son aspect géologique exceptionnel, cette grotte renferme une diversité biologique pour le moins inattendue. C’est bien à l’abri des regards indiscrets, dans une noirceur presque totale que 2 espèces d’invertébrés furent tout récemment identifiées comme étant nouveau pour l’Océan Indien par les plongeurs de Deep Blue Exploration. Il s’agit du corail scléractiniaire Leptoseris troglodyta et du crabe Atoportunus dolichopus, tous les deux précédemment connus seulement du Pacifique occidental. Ces nouveaux signalements d’espèces jusque-là inconnues de tout un océan laissent entrevoir le potentiel de découvertes biologiques de cette grotte et nul ne doute qu’une étude minutieuse livrera encore bien des secrets.
Il aura fallu un peu plus d'une semaine pour extraire cette stalagmite qui trônait depuis des millénaires à 75 mètres de profondeur sous le planché du lagon. Il aura fallu 4 jours avec deux équipes de plongeurs se relayant pour réaliser les perçages des trous à la base de la concrétions. Quand une équipe avait fait 30 minutes de travail au fond (ce qui représentait entre 3 et 6 trous de diamètre 12 mm pour une profondeur de 10 cm) la seconde équipe descendait pour poursuivre le travail pensant encore une demie heure. Avec cette organisation, on a optimiser le travail effectif en profondeur.
Le 5 ème jour, après avoir percé la base de la stalagmite sur toute la base de son périmètre, l'équipe descend avec une pointerole et une masse de 5 kg pour essayer de fracturer la base et ainsi désolidariser la stalagmite de son socle.
Mais à ce moment la, personne ne savait si la théorie allait être validée!
L'objectif de la mission atteint, il ne reste plus qu'a ramener la stalagmite de 75 mètres de profondeur sur la bateau à l'aide de parachute de levage.
Juillet 2023 : Scanner de la stalagmite
Le professeur THOMASSIN a effectué un scan complet de la stalagmite à l'Hôpital Privé de Valence / Clinique Pasteur, pour une reconnaissance anatomique de certaines de ses lésions. Il faut maintenant décrypter les enregistrements obtenus selon 2 paramétrages du scanner, car la base de la stalagmite de près de 30 cm de diamètre, outre qu'elle est épaisse, est très dense du point de vue des rayons X.
Sur la radiographie (photo de droite) nous pouvons observer les différentes couches d’accroissements qui se succèdent au fil des années. Il est admit que les stalagmites s’agrandissent en moyenne de 1mm par ans. Mais certaines periodes de sécheresse limitant ainsi les apport d’eau dans la grotte peuvent stopper la croissance de ces concrétions pendant de très longue périodes.
Il en résulte des “Hiatus” visible a l’oeil nue sur cette échantillon qui sont au nombre de 5 après une première analyse visuelle. Mais il se pourrait qu’il y en ait plus. La stalagmite prélevée mesurant 80 cm, on peut donc analyser au minimum 800 ans de pluviométrie de la dernière aire geologique (le Pléistocène -12 000 ans). Mais il est très probable que cette période soit beaucoup plus importante. Le début des analyses et les premières informations sont attendues dans le courant de l’année 2024.
Un grand merci à nos partenaires pour cette mission :